Pour Apple, l’utilisation des télécommunications n’est pas nouvelle : l’AppleLink, basé sur le réseau de General Electric, permettait déjà en 1985 aux revendeurs Apple d’accéder au réseau interne d’Apple pour 100 dollars de l’heure… En 1988, la version grand public de l’Apple Link voit le jour, basée cette fois-ci sur un réseau créé par la firme Quantum. Les deux réseaux cohabitent pendant quelques années, avec deux problèmes : le prix énorme demandé par General Electric et surtout la décision de Quantum, devenue America On Line, d’ouvrir son réseau à tous les ordinateurs et plus seulement aux Macs.
En 1992, Apple décide de se débarrasser du réseau AppleLink et de mettre en place un nouveau réseau de services en ligne. Après plusieurs essais, Apple décide de s’associer à nouveau avec AOL pour mettre en place son réseau : les logiciels AOL sont adaptés pour le Macintosh puis modifiés pour devenir, le 5 janvier 1994, eWorld. Le 20 juin, eWorld devient accessible aux utilisateurs de Mac. L’utilisateur habite un village où se côtoient la poste, la bibliothèque, des centres de loisirs, d’informatique, des magasins, une maison de la presse… Il suffit de cliquer sur l’un des bâtiments pour découvrir le contenu de plusieurs serveurs se rapportant au sujet choisi. Apple s’appuie sur plusieurs centaines de partenaires pour fournir du contenu pour eWorld : la plupart étaient de grands magazines.
L’utilisation d’eWorld est très simple : l’application indique si votre machine est capable de récupérer les fichiers désirés, calcule le temps nécessaire et donc le coût de la communication. Il est ainsi possible d’envoyer du courrier, de rechercher des informations, de télécharger images, sons et textes et d’acheter dans les magasins en ligne. Quand un mail arrive, un camion rouge siglé « Mail » apparaît dans le village. Pour accéder à l’ensemble des services, Apple se contente d’un modem 2400 bauds, et recommande 9600 bauds pour de meilleures performances.
L’idée n’était pas si mauvaise, surtout pour les nouveaux venus à l’informatique. En revanche, les tarifs exorbitants feront renoncer beaucoup d’utilisateurs : 8.95 dollars d’abonnement par mois donnant accès à deux heures gratuites, puis de 2.95 à 7.90 dollars par heure selon la période, plus 7.95 dollars pour les utilisateurs internationaux, plus les 2,40 F par minute facturés par France Télécom ! Au plus fort, le service comptera à peine 150.000 abonnés, quand les grands noms de l’internet de l’époque commençaient à en compter plusieurs millions.
Les problèmes s’accumulent : eWorld est trop cher, il subit trop de concurrence… De plus, avec le développement d’Internet, les sites de recherche et les portails finiront par dépasser en qualité les services d’eWorld. La plupart des partenaires d’Apple créant en plus leur propre site web, eWorld ne représentait pour eux que du travail en plus… Apple tente bien d’ouvrir un peu eWorld en y autorisant la navigation sur le web (eWorld 1.1), et en partageant le service de mail avec NewtonOS, mais trop tard.
Finalement, eWorld, rebaptisé Empty World par ses rares habitants, est abandonné par Apple, le 31 mars 1996 à 12H01 : « Le soleil va se coucher pour toujours sur eWorld ». Grâce à un accord, AOL devient alors le fournisseur d’accès recommandé par Apple. Quant aux revendeurs Apple, leur support bascule sur le site web d’Apple, tout simplement.